C'est à l'heure des « instants magiques de l'automne armagnacais », quand le feu et le vin se mêlent pour offrir l'eau de vie, que Jacques-Henri de Saint Pastou a choisi, hélas, de quitter son alambic, à l’âge de 80 ans, à Rébert, dans sa propriété de Monguilhem !
Mon ami Vincent Gouanelle, conseiller départemental du Gers, évoque « un chanteur émérite et un enchanteur toujours joyeux et malicieux, un de ces chevaliers gascons à la verve haute et à la bonté naturelle comme on en fait trop rarement. Il était un ami ! Pétri d'une passion sans mesure pour son métier et sa région, son terroir, il savait plus que quiconque transmettre cet amour pour ce petit bout de France qu'est l'armagnac. Je n'oublierai pas non plus sa Foi profonde et son engagement ardent pour l'animation du chant liturgique que nous partagions ensemble. Alors qu'il a si souvent chanté pour les anges, ce sont eux qui chantent désormais pour lui ».
Cet héritier d’une longue lignée de Gascons remontant au XIème siècle doit son nom à Sen Pastous, village bigourdan de la vallée de Dabant-Aïgua (nom signifiant en gascon/bigourdan « au levant de l'eau » car situé sur la rive droite du gave de Pau, au pied du Hautacam) et dont le premier seigneur connu était Guillaume-Bernard de Saint Pastous, cité en 1105.
A cette époque déjà, les moines associaient les vertus de l’eau de vie à celle des plantes médicinales. Il y a six ans, l’armagnac avait fêté son 700e anniversaire à partir d'un texte daté de 1310, et dans lequel Vital Dufour, prieur d’Eauze dans le Gers, décrivait les 40 vertus de
« l’aygue ardente », eau-de-vie ensuite baptisée « Armagnac ». Dans son ouvrage baptisé « Livre très utile pour conserver bonne santé et rester en bonne forme », cette eau-de-vie est réputée « aiguiser l’esprit si on en prend avec modération, arrêter les larmes de couler, guérir les hépatites si on en boit avec sobriété et délier la langue et donner l’audace au timide ».
Aujourd’hui encore, l’eau de vie d’Armagnac continue de réjouir le cœur et l’esprit.
C’est au château de Castex d’Armagnac que les Saint Pastou produisent depuis des siècles la « plus vieille eau de vie de France », transmettant de génération en génération, depuis 1790, les secrets de distillation et de conservation de l'Armagnac. De ce savoir-faire ancestral, respectueux du terroir (le vin est même distillé dans un alambic en cuivre qui officie dans la famille depuis le XIXème siècle) sont uniquement produites quelques milliers de bouteilles d'Armagnac de qualité qui viennent compléter la gamme de vieux Armagnacs (XO, 12 ans et 30 ans) et de millésimes précieux du domaine, remontant jusqu'aux années trente. Sur place, de nombreuses activités de découverte de la vigne et de l'Armagnac, la dégustation ainsi que la rencontre d'hommes du terroir au caractère chaleureux vous initieront à l'art de vivre authentique Gascon. L’avant dernière génération des Saint Pastou, Pierre et Hugues, les fils du regretté Jacques-Henri et de Béatrice ont à présent relevé le flambeau. En particulier Pierre de Saint Pastou – qui a repris en 2005 l'exploitation familiale - fait découvrir aux visiteurs du domaine, avec l’aide de son épouse Frédérique, le chai, le fameux alambic, les vignes et leur fait déguster sa production.
Nul doute que les prochains chapitres de la Compagnie des Mousquetaires d’Armagnac – dont Aymeri de Montesquiou d’Artagnan est le Capitaine – commémoreront, à Biarritz le 7 avril 2018 et à Condom le 15 septembre, le souvenir de cette remarquable figure de l’Armagnac que fut Jacques-Henri de Saint Pastou. RIP.
Alexandre de La Cerda