Il y a quinze ans, le 25 septembre 2009, une cinquantaine de consuls en poste le long de la chaîne des Pyrénées et représentant près d’une trentaine de pays - de l’Allemagne à la Russie, de l’Afrique du Sud aux Philippines et à l’Amérique du Sud - avaient répondu à mon invitation en tant que délégué Sud-Ouest de l’Union des Consuls honoraires de France afin de commémorer le 350ème anniversaire du Traité des Pyrénées (notre photo de couverture).
Cette rencontre - une première dans les annales transfrontalières - s’était déroulée au château d’Urtubie qui avait reçu Louis XI en 1469 pour des négociations avec les souverains de Castille et d’Aragon à propos de la succession de Navarre. Le château d’Urtubie avait également accueilli la commémoration solennelle du 300ème anniversaire du Traité des Pyrénées en 1959 ainsi que la réunion (préliminaire) des ministres des Affaires Etrangères pendant le Sommet franco-africain des chefs d'Etat de novembre 1994.
En 2009, les diplomates avaient été rejoints à Urtubie, à la veille de leur mariage à Arcangues, par le Comte et la Comtesse de Paris qui avaient contresigné avec eux une charte d’amitié et d’action « au cœur de la diplomatie » qui affirmait : « Héritiers d’une longue tradition remontant à la plus haute Antiquité, nous, membres du Corps consulaire de Bilbao et des délégations du Sud-Ouest de l’Union des Consuls Honoraires en France, réunis au château d’Urtubie à Urrugne à l’occasion du 350ème anniversaire du Traité des Pyrénées, formulons d’un commun accord le vœu d’établir et d'entretenir des relations amicales et fructueuses au bénéfice de notre action au cœur de la diplomatie. Château d’Urtubie, le vendredi 25 septembre 2009 ».
Et le lendemain, samedi 26 septembre 2009, c’est l’église d’Arcangues qui avait accueilli les épousailles religieuses du Chef de la Maison de France avec Micaela Cousiño Quiñones de Leon, en présence de plusieurs centaines d’invités du couple princier. La messe, aussi belle qu’émouvante, avait été suivie d'un pot très amical et convivial sous les ombrages de l'auberge Achtal et d'un remarquable dîner au château d'Arcangues.
Voilà des lustres que leurs fréquents séjours à Ascain, Arcangues, et jusqu’à Béguios, ramenèrent pendant des années les Princes dans nos provinces basques où, comme chaque été, ils retrouvaient leurs amis.
Les liens entre le roi et les peuples de France
Depuis son adolescence à Pampelune et au collège de Lecaroz – là-même où, une décennie plus tôt, le Père Donostia recevait Ravel – et ses nombreux séjours au pied de La Rhune, les occasions n’avaient certes pas manqué au Comte de Paris d’affermir ses liens familiaux avec le Pays Basque. Il y a quelques années, au cours d’un entretien qu’il m’avait accordé pour la presse régionale, le Comte de Paris jugeait déjà que « dans notre société totalement déstructurée, les pays de montagne comme le Pays Basque avaient gardé des structures », c'est pourquoi il désirait « acquérir une maison ici pour échapper à ce drame et continuer mon action ». Et d'ajouter : « Nous sommes dans le drame le plus absolu ; la France est malade de l'Europe et on détruit toutes les valeurs qui en ont fait le renom... Or, cette vieille civilisation nous permettrait de reconstruire ce que le mondialisme va détruire complétement ».
- Comment réagir ?
- « Il faut que des îlots comme le Pays Basque continuent d'exister et demeurent des références, où les valeurs soient conservées : c'est de là qu'il faudra repartir à la reconquête » ! Et de revenir, dans un entretien ultérieur, sur « la préservation par leurs habitants de leurs coutumes et de leurs identités dans nos montagnes difficiles d’accès »… Et de reprendre : « si les métropoles semblent atteintes » en amorçant un tournant qui les mène vers « Sodome et Gomorrhe », dans nos montagnes basques, « les gens peuvent méditer, aller plus loin et se reconnaître ».
Et en digne successeur de ses ancêtres royaux de Navarre, Monseigneur n’hésitait pas à réaffirmer qu’« un pouvoir qui ne respecte pas les différences et la multiplicité, pourtant inhérentes et nécessaires à notre monde, tendra à opérer une uniformisation politique, économique et sociale où tout ce qui est hors norme devient incorrect (…) La véritable unité se construit par le haut, tandis que la caricature de l'unité, c'est-à-dire l'uniformité, égalise par le bas (…) Or, le génie de la France réside dans sa diversité même, source de liberté. L'historien Jacques Bainville disait que du temps de nos rois, la France était hérissée de libertés. Mais cet état de libertés s'accompagnait nécessairement de responsabilités, et la multiplicité de la France se trouvait alors cimentée par les liens d'amour existant entre le roi et les peuples de France ».
Il faut croire que les diverses péripéties du pouvoir jacobin gérant l’actuelle république, dans un climat de crise économique, ont, considérablement distendu ces liens avec les « peuples de France »… En témoigne la fronde ce jeudi 28 septembre des présidents de régions qui ont quitté la Conférence des territoires instaurée par le Chef de l’Etat, Emmanuel Macron. Les régions dénoncent les coupes budgétaires imposées, en particulier la suppression d'un fonds de 450 millions d'euros de soutien au développement. Baisses de dotation qui toucheront également les communes, déjà inquiètes du projet de suppression de la taxe d'habitation.
Une enfance basque
Pour sa part, en contemplant la succession de collines et de landes qui la menait en Basse-Navarre et lui rappelait d’heureux souvenirs d’enfance au Pays Basque, la Comtesse de Paris n’hésitait pas à lancer : « L’herbe très verte avec ses vaches et ses moutons, j’en aurais mangé tant j’éprouve de bonheur devant ces paysages » !
Avec ses frères, dont l’aîné, le sculpteur Juan Luis Cousiño, avait défrayé la chronique artistique dans les années cinquante à cause d’une statue de l'impératrice Eugénie originellement destinée à Biarritz mais qui fut placée à Saint-Jean-de-Luz. Décédé il y a quelques années à l’âge de quatre-vingt-quatorze ans, sa dernière œuvre consista en une étude monumentale représentant l’image du Christ imprimée sur le Saint Suaire de Turin qui avait été présentée à l’église de Saint-Jean-de-Luz.
Un autre frère de la Comtesse de Paris, Antonio, également son parrain, avait été formé par le sculpteur russe Choukline, réfugié à Biarritz après la révolution de 1917 et logé dans une annexe de la maison familiale. La veuve d’Antonio avait beaucoup œuvré pour les collections du Musée d’Histoire Naturelle de Bayonne.
Combien de souvenirs de jeux d’enfance au Pays Basque ! Avec un de ses frères qui l’avait enfermée dans un chêne creux qu’elle pensait pouvoir soulever avec toute la force d’imagination de ses six ans : « J’ai toujours aimé les contes de fée » ! Et les rouleaux des vagues qui avaient failli emporter Micaela au large de la plage de Cenitz.
Mais la comtesse de Paris tenait aussi de sa mère, Antonia Quiñones de Leon, Marquise de San Carlos, très connue sur la côte basque au temps où elle rédigeait pour une revue locale « La journée d’une femme élégante à Biarritz ». Et, sans doute, d’un parfum d’aventure de sa famille paternelle, les Cousiño, entreprenants pionniers de l’économie chilienne.
Passionnée de littérature, d’histoire et d’art, la Princesse alterna des fonctions à la radio en France, dans une agence de presse, un groupe de publicité à Madrid et dans l’édition à Paris, avant d’entrer dans un cabinet ministériel pendant la présidence de Giscard.
Mais rien ne valait à ses yeux les séjours en Pays Basque, entre Urdax avec ses palacios construits par les Basques, « Amerikanoak », et Pasajes où la princesse se rappelait avoir découvert avec surprise, non loin de la maison occupée naguère par Victor Hugo, un très ancien lapidaire rappelant la participation des habitants à la fameuse bataille de Roncevaux qui vit la perte de Roland !
Notre photo bas de page :
Behauze/Béguios : dans cet ancien royaume de Basse-Navarre sur lequel régnait son ancêtre Henri III (devenu Henri IV de France), Mgr le Comte de Paris entouré de nos amis : la Ctesse de Coral, le marquis d'Arcangues, Cte et Ctesse Eric de Caupenne, Cte Charles-Antoine de Coux, le Général et Maritchu Zeisser (eta etxenagusiak). C'était le 16 juillet 2012, afin de commémorer le 8ème centenaire de la bataille de Las Navas de Tolosa remportée par les chrétiens sur les maures musulmans grâce à l'arrivée des renforts navarrais du roi Santxo Azkarra (Sanche VII « le Fort »).