Le suivi de la mort est en évolution comme dans toutes les régions où les populations autochtones reçoivent l’ajout de « nouveaux-venus ».
Or, il est bien ancré dans les racines pyrénéennes les plus profondes, ce culte des morts, première manifestation d’importance rituelle chaque année autour des 1er et 2 novembre pour les familles et dans les communes du pays.Basques, Béarnais et Bigourdans ont dans leur rapport aux défunts un lien intime, sacré et entretenu selon les rites et cultes hérités de la tradition.Fleurs du souvenir, visite dans le cimetière et, depuis peu, dans les espaces cinéraires tels les crématoria, où les cendres dispersées des défunts ajoutent aux cimetières ces lieux de mémoire inattendus et nouveaux, du paysage de la mort du passé. Car, inhumation et crémation se partagent désormais l’accompagnement des familles par des professionnels qui s’habituent à la demande spécifique de chacun, selon ses préférences et ses choix personnels.Le chiffre des crémations va augmentant, plus ancré sur la côte atlantique et basque auprès de populations qui n’ont pas de sépulture in situ, et dans les villes basques et béarnaises du département, plus populeuses et diversifiées.
Une évolution notable car, si le rapport à la mort de l’inhumation est un retour à la terre, l’incinération est un rapport au feu et à la lumière, inédit pour beaucoup et qui diversifie de la sorte la relation des familles et le suivi de leurs défunts selon un modèle distinct du précédent.
Les communes, seules autorisées à la gestion publique des espaces mortuaires - toute législation privée étant interdite en France -, ont dû engager des travaux inédits autour des espaces cinéraires, mobiliers ou cavernes adaptés aux urnes, jardin du souvenir, lieux de la dispersion des cendres…Le cimetière public pour le maire est une obligation légale relevant de ses missions.
La gestion partagée de cet espace semi-public et réservé aux familles avec une disponibilité des sépultures par contrat avec l’Etat, crée un champ particulier d’attribution contraté entre l’autorité municipale et les « affectataires ».
A charge pour les professionnels du monde funéraire de proposer leurs services pour l’entretien privé de ces espaces et leur conservation : le marbrier, le fleuriste, le graveur des sépultures, le maître-verrier pour les chapelles des cimetières, ajoutent à l’entretien conventionnel et à la propreté du site, les services demandés par les particuliers.
Mais il est encore une mission nouvelle qui voit le jour : l’accompagnement des familles à l’heure de la séparation avec leurs défunts et le suivi demandé par elles du deuil et du temps de l’après-mort.Le lieu du souvenir devient une nécessité pour nombre d’entre elles. Le monument funéraire de l’après-crémation une urgence, car le manque de monuments adaptés ajoute à la séparation, la douleur d’une absence double.
En Espagne où la crémation est devenue une pratique coutumière de l’après-mort, certaines églises ont été réservées par les évêques diocésains pour y déposer les urnes du souvenir et de la mémoire des familles des disparus. Comme jadis, des ex-voto « du culte des saints attachés à la dévotion des particuliers pour leurs défunts protecteurs ».Une tradition encore étrangère pour nos régions où conventionnellement on choisit le cimetière pour l’inhumation et le dépôt des cavurnes, la nature, la terre et la mer, pour une dispersion des cendres autorisée par le législateur.
Mais ces pratiques libres et contraignantes pour les particuliers créent de nouvelles attentes dans les familles. Faudra-t-il proposer d’autres ressources, l’agrandissement des cimetières, des espaces cinéraires inédits, pour satisfaire des attentes qui dépassent les disponibilités des professionnels du funéraire ?
Plusieurs projets d’agrandissement de cimetières actuels sont étudiés par les communes.La solution précaire des dispersions sauvages, mal encadrées des cendres humaines, posent à frais nouveaux des questions d’humanité et de respect aux défunts disparus, engendrées par la généralisation rapide de la crémation.
Le monde funéraire est à l’image des évolutions des choix privés des familles pour leurs défunts.Un espace inédit, où les artistes n’interviennent encore que très peu pour imprimer dans ce champ du souvenir la patine de l’expression personnalisée du présent !
« A moi la gloire » 3ème séquence de Toussaint suite aux traditions pyrénéennes, et les découvertes archéologiques de Narbonne sur les rites funéraires de l'antiquité.
Pour ce temps de Toussaint, un livre de Fabrice Hadjadj est matière à méditation. Livre paru aux éditions Salvator, sous le titre « A moi la gloire ». La gloire de la Résurrection après mort pour tous et pour chacun d’entre tous. Dans son ouvrage, l’auteur compile trois conférences de carême données à Sion en Suisse à l’invitation de l’évêque du lieu.
La gloire ne peut être cherchée pour elle même dit-il. Elle s’inscrit dans la tradition religieuse issue de la Bible, pour celui qui la désire, comme un don reçu et rapporté par le proverbe tiré d’un alexandrin de Corneille : « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire »...
La gloire invite à l’humilité chez un être fragile et disponible. L’auteur ajoute sous le signe « d’une écologie de la gloire » la source liturgique chantée dans le sanctus en latin « pleni sunt coeli et terra, gloria tua », appartenance à l’Eternel vers qui se tournent nos regards et nos privilèges reçus de sa prodigalité. La finalité ultime et transcendante étant inscrite en chaque créature, demeurent son existence et son essence première.
Tout cela reste tributaire des forces négatives, telles la mort et la douleur de mourir qui font réagir, face au pouvoir de la vie qui s’émerveille de la beauté de la Création et le refus de sa destruction. Pour le croyant issu de la tradition sémite et biblique, la gloire du Ressuscité, peu rapportée dans les écritures évangéliques, porte les plaies du supplicié, et de son point de vue, ressemble fort à « un miracle raté »…
Or, la gloire du ressuscité se développera par la suite dans la vie des disciples du Christ au fil des jours et de l’endurance de la foi confrontée au réel du quotidien. Le terme hébreu de la gloire « kabod » rapporte la pesanteur infinie de cet état de la vie, qui n’en finit pas de s’acquérir d’une vie d’exigences...