En prélude au dixième anniversaire de ce merveilleux festival de cinéma dont elle est la « pierre angulaire », Daria Tsukanova avait indiqué « combien le temps, mêlé à la nature environnante, empilait les grains de sable comme autant de trésors, et les magnifiques soirées du cinéma russe, grain de sable après grain de sable, accumulaient projets, films, amis, partenaires, publics ».
Les nombreux cinéphiles qui ont suivi l’extraordinaire progression d’année en année de ce festival de cinéma russe ne peuvent que se réjouir de la manière dont cette manifestation avait réussi à vaincre les difficultés et les contraintes sanitaires ou autres qui s’accumulent également depuis deux ans, à l’image du consul de Russie dans le Sud-Ouest de la France : inaugurant comme chaque année l’événement – mais cette fois en visio-conférence -, Alexandre de La Cerda reprenait l’image des grains de sable utilisée par Daria Tsukanova pour évoquer un souvenir historique. « Quand le futur grand écrivain Wladimir Nabokov, dans son enfance, jouait avec des grains de sable pour construire des châteaux de sable, en vacances sur la Grande Plage de Biarritz, n’avait-il pas fugué en compagnie d’une petite fille française pour assister dans un cinéma proche à la projection d’un film sur une course de taureaux à Saint-Sébastien, « saccadée, clignotante, mais passionnante comme tout », selon ce qu’il relata dans son livre de mémoires « Speaks Memory » publiés en russe sous le titre « Autres rivages » ?
Et lors de la cérémonie d'ouverture du Festival (qui s'inscrivait dans l'Année croisée de la coopération interrégionale France-Russie), une performance des artistes de l'Artécole plongea les invités dans l'atmosphère romantique du XIXème siècle grâce aux solistes du Grand Théâtre de Bordeaux Marina Kudryashova et Oleg Rogachev...
« Passeport renversé », destinées russes en France
Le lendemain de l’inauguration, on projetait au Musée d’Aquitaine le documentaire « Passeport renversé » du réalisateur et homme de théâtre Wladimir Bazynkov et d'Alexandre Miroshnichenko (produit au studio « VGIK Debut » de Fedor Popov) : encore durant l’époque soviétique, le peintre Oskar Rabin avait réalisé un tableau intitulé « Passeport » dans lequel il avait représenté son propre passeport, document administratif incontournable fixant son « lieu de domiciliation » (propiska). Plus tard, Rabin avait dû s’exiler, dépouillé de sa citoyenneté soviétique. Mettant en scène quatre personnages, quatre époques différentes, quatre générations, ce film raconte l’histoire de plusieurs « héros » qui habitent en France, mais dont les racines, les origines ou tout simplement la vie, sont liées à la Russie, et parmi lesquels figure le consul de Russie, également propriétaire d’un vignoble dans le Bordelais. Lequel rappela au cours de la présentation du film, les coulisses du tournage au chai de son château Miller-La Cerda : trois cameramen avec leur chef, Serguey Maximov, Daria Tsukanova qui faisait office de producteur et même de maquilleuse, le jeune bordelais Antoine et son drone qui avait filmé la propriété en hauteur, Galina Vacileva qui assurait la « logistique de bouche » pour permettre à l’équipe de se restaurer. Le tout, évidemment, arrosé de bon château Miller La Cerda (prometteur millésime 2017 qui avait échappé au gel !), prélevé directement de la cuve à la pipette, ou des barriques !
Clap de fin au château Miller La Cerda : au coucher du soleil, le tournage ayant pris fin, il fallut remballer tout le matériel. Et Alexandre de La Cerda devait encore retrouver son cher ami Wladimir Bazynkov l’année dernière en Russie pour conclure le tournage du film…
En conclusion, cette année et par son très riche programme, le festival a dépassé les limites régionales, celles de la Russie, et même celles du monde cinématographique grâce au tournoi des jeux d’échecs organisés parallèlement aux projections.
Sans oublier la grande histoire avec l’évocation du huit-centième anniversaire de la naissance de l’homme d’État, diplomate et chef d’armée canonisé par l’Église orthodoxe russe - le saint prince Alexandre Nevsky qui a donné lieu à la projection du célèbre film de Sergueï Eisenstein et à sa présentation par le Père Alexandre Brunet, recteur de la paroisse orthodoxe russe St Seraphim de Sarov de Bordeaux.
En 10 ans d'existence, le festival s'est transformé en un projet multiformat dont le but est de promouvoir la culture franco-russe à travers le cinéma et les arts audiovisuels.
Ainsi, cette année, en coopération avec des partenaires des villes de Montpellier, Arcachon et Biarritz, des projections des films « Le Temps des Premiers », « Robo », «Cadets de Podolsk » et « Docteur Lisa » ont été organisées.
Le programme pédagogique "In Cinécole" a présenté le film documentaire « La Grande Route du Nord » aux écoliers français projeté en partenariat avec la Société Géographique Russe dans les lycées et collèges de Nouvelle-Aquitaine, ainsi que dans le cadre de la 10ème conférence internationale « Francophone de Biarritz » organisée par le Théâtre du Versant. Un film de genre historique et journalistique, qui raconte le voyage dans l'Arctique du photographe et voyageur Leonid Krouglov, qui passa d'Arkhangelsk au détroit de Béring par un itinéraire identique à Semyon Dezhnev, un pionnier et découvreur, qui au XVIIème siècle avait repoussé les frontières de l'Empire russe loin à l'Est.
Une soirée avec la participation de l’invitée spéciale de Saint-Pétersbourg, la chanteuse d’opéra et de jazz Anastasia Maksimova, et du musicien multi-instrumentiste et chanteur talentueux Fédor Jeleznov, eut lieu au café Français (place Pey Berland).
Mais l’un des aspects essentiels du festival demeure le concours « In Ciné Véritas » pour les jeunes réalisateurs, en relation - pour cette édition - avec le prestigieux vignoble de Saint-Emilion.
Dans son intervention clôturant l’événement, en présence de Céline Papin, adjointe au maire de Bordeaux chargée des coopérations territoriales, européennes et internationales, le consul de Russie y vit « la preuve que la vigne pouvait constituer un élément essentiel de l’inspiration des hommes, à l’image de Montesquieu qui considérait ses activités viticoles comme prioritaires, avant même ses travaux juridiques, parlementaires et littéraires.
Jean Cocteau, le célèbre artiste et « dandy touche-à-tout », avait créé en 1949 à Biarritz un Festival du Film qui y avait attiré tous les jeunes cinéastes qui ont brillé par la suite au sein de ce que l’on a appelé la « Nouvelle Vague ». C’est tous le succès qu’Alexandre de La Cerda souhaita en particulier aux jeunes régisseurs débutants primés par le Festival !
Le palmarès :
Dimanche 12 décembre, à la cérémonie de clôture du festival "Soirée Cinéma Russe à Bordeaux", les gagnants du concours international de court métrage « In Ciné Veritas » Europe 2021 ont été annoncés dans les catégories suivantes :
- le gagnant du Concours International de court métrage : Maria Kogan-Lerner avec "Derrière la clôture" (film d'animation).
- Meilleur film documentaire : «Les ombres de ton enfance» de Mikhail Gorobchuk
- Meilleur vidéo clip : «La Lune» de Marina Savelieva
- Meilleur film de fiction : «Le jeu pour chaque» de Ivan Petoukhov, « Ma sœur préférée dort déjà » de Vladimir Koptsev
- Meilleur film d’animation: «Galtchonok»/«Le petit corbeau» de Marat Narimanov
⠀Bravo à tous les gagnants dont les films seront projetés à Bordeaux, à Paris et dans des pays-partenaires du concours (les pays de l’ex-URSS, de l’Europe Centrale, de l’Est et des Balkans) !