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Cinéma La critique de Jean Louis Requena
La Petite Vadrouille (96’) - Film français de Bruno Podalydès
La Petite Vadrouille (96’) - Film français de Bruno Podalydès

| Jean-Louis Requena 706 mots

La Petite Vadrouille (96’) - Film français de Bruno Podalydès

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"La Petite Vadrouille" de Bruno Podalydès ©
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Une base nautique. Jocelyn (Bruno Podalydès) passionné par les bateaux de plaisance, tente de voler un pédalo. Il est arrêté par un marinier qui lui propose un marché après avoir vérifié ses compétences nautiques. Soit ce dernier le dénonce aux autorités, ou autre alternative dotée d’une somme d’argent modique âprement négociée, Jocelyn accepte d’acheminer sa péniche baptisé « Pénichette » sur des canaux jusqu'à son prochain mouillage. Jocelyn aux abois, sans le sou, agrée la seconde proposition.

Franck (Daniel Auteuil) est un riche entrepreneur. Il préside sans entrain un séminaire que Justine (Sandrine Kiberlain), une grande blonde dynamique, a organisé pour son compte. Franck est ravi de ses prestations, sans accros. Il lui propose d’organiser pour lui, un week-end qui sorte des sentiers battus avec du rêve et de l’imprévu. Une ballade romantique. Perplexe, Justine en parle à son mari Albin (Denis Podalydès) qui au chômage, est à la charge de sa femme. Leurs amis sont tous également dans la dèche : Rosine (Florence Muller) une fausse voyante hypnotiseuse, Sandra (Isabelle Candelier) une serveuse chantante, Caramel (Jean-Noël Brouté) un gardien de musée rabroueur et un artiste raté. Pour monter cette fameuse excursion romantique Justine, a son grand étonnement, perçoit une somme importante en liquide : une enveloppe de « 14 boulles » (quatorze mille euros).

Les six amis se réunissent : comment monter une opération qui coutera moitié prix et dont ils garderont le solde, augmenté de menues carambouilles. Jocelyn propose de les embarquer sur la « Pénichette » un chaland tout blanc, et de préparer l’excursion pour Franck en lui dissimulant leurs amitiés. Jocelyn s’auto proclame capitaine et exige un mousse à bord : Ifus (Dimitri Doré).

L’arnaque est laborieusement mise en place, non qu’il y ait dès le départ, une tromperie dans l’arnaque … Face à un imprévu de dernière minute, Albin veut piloter l’opération …

Bruno Podalydès (63 ans) est le réalisateur, le scénariste et acteur de son onzième long métrage. Nous avons découvert son ton particulier de comédie caustique en 1998 avec Dieu seul me voit (Versailles-Chantiers) son premier opus. Ses deux précédentes œuvres (critiques dans BasKulture juin 2021, et juin 2023), Les Deux Alfred (2020) et Wahou ! (2023) sont de la même veine avec quasiment les mêmes interprètes, hormis Daniel Auteuil. 
Dans La Petite Vadrouille, à nouveau, nous retrouvons la tonalité drolatique, pince sans rire du metteur en scène. Bruno Podalydès ne cache pas son admiration pour le chef d’œuvre d’Ernst Lubitsch (1892/1947) To Be or Not to Be (1942) dont la trame narrative s’apparente à la sienne : chez le réalisateur américain il s’agit d’une troupe de comédiens enfermés dans un théâtre (sous le régime nazi!) ou se déroulent des actions loufoques ; dans La Petite Vadrouille (clin d’œil à La Grande Vadrouille de Gérard Oury – 1966) les personnages sont tous, au sens propre, sur le même bateau, en l’occurrence une péniche voguant à petite vitesse (5 nœuds soit 9 kilomètres heures) entre deux écluses. La « Pénichette » est à la fois un espace clos, agencé, mais aussi ouvert sur un environnement champêtre donnant lieu à quelques arrêts bucoliques et drolatiques.

Les films de Bruno Podalydès sont finement écrits et mis en scène. Tous les personnages y sont attachants (aucun est négatif), déclenchant au fil des situations des quiproquos burlesques. On ne rit pas à gorges déployées durant la projection d’une de ses œuvres mais, en sortant de la salle obscure, nous sommes souriants. Cela fait le plus grand bien en ces temps difficiles. Nous sommes loin des comédies françaises lourdingues aux scénarios indigents, très connotés. 
Chez ce créateur (scénario, filmage) nous sommes entre le dramaturge Georges Feydeau (1862/1921) pour les intrigues tarabiscotées, et Sacha Guitry (1885/1957) pour les références théâtrales. Les longs métrages de Bruno Podalydès ont la légèreté et l’élégance éphémère d’une bulle de savon. Sa troupe a l’évidence s’amuse lors du tournage et nous nous amusons à la projection ce qui, dans la production cinématographique hexagonale, est loin d’être la règle. Tournage hilarant, film consternant. Les interprètes s’amusent … sans nous.

La Petite Vadrouille a été fabriqué en image large (format 2.1) accentuant ainsi le contraste entre l’étroitesse du canal et la campagne environnante le tout avec lenteur (5 nœuds !) soulignant un sentiment in fine de plénitude. « Voyager, c’est pas quitter » dit Michel (Bruno Podalydès dans Comme un avion).

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