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Histoire
Il y a 80 ans : de Bayonne jusqu’en Soule, la Libération !
Il y a 80 ans : de Bayonne jusqu’en Soule, la Libération !

| Baskulture/Alexandre de LC 985 mots

Il y a 80 ans : de Bayonne jusqu’en Soule, la Libération !

24 août 1944. Le baryton Michel Dentz chantai « La Marseillaise » au balcon de l’hôtel de ville de Bayonne et les cloches des églises de Soule sonnaient à toute volée : le Pays Basque était libéré, il y a 80 ans !

Il est certain que le débarquement allié en Provence le 15 août 1944 avait hâté les choses, obligeant les forces d’occupation à alléger leur dispositif sur place pour regarnir le front qui nécessitait des renforts. Après l’avoir occupée depuis le 27 juin 1940, les Allemands évacuent donc Bayonne les 21, 22 et 23 août 1944 après - selon Josette Pontet dans son « Histoire de Bayonne » (Privat, 1991) – « n’avoir procédé qu’à de faibles destructions, sinon de bateaux dans le port »
Quant à Michel de Barbeyrac, il décrivait ce 23 août comme « un étonnant spectacle de l’exode des troupes allemandes qui, faute de moyens de transport suffisants, avaient réquisitionné tout ce qui pouvait rouler ; bicyclettes, voitures à chevaux, carrioles, rares autos quand les propriétaires ne les avaient pas mis hors d’usage en démontant en catimini quelques pièces essentielles… » (« Léon, roi de Bayonne », Lavielle 1986). 

Comme partout en France, l’ancien conseil municipal cèda aussitôt la place à une délégation municipale provisoire dirigée par un ancien élu radical, Jean Labourdique. Et, dès le 24 août, la population réunie sous le balcon de l’hôtel de ville écouta « le discours enflammé de son maire, plein de trémolos républicains et d’allégories démocratiques, comme savaient les faire en ces temps-là les hommes politiques ». Les photos d’époque montrent également sur le balcon la présence en ce 24 août historique du baryton Michel Dentz qui chantait « La Marseillaise » et celle du sous-préfet Lamassoure (le père de l’ancien député européen Alain Lamassoure).

Pour sa part, en jeune témoin privilégié de cette époque au Boucau, Manuel Castiella se souvenait de « la Libération qui vint quelques mois après le tragique bombardement allié de Biarritz (le 27 mars, causant 109 victimes civiles) : un grand défilé fut organisé pour fêter la Libération. J’y participais avec les enfants des écoles. Il partait de l’Aygassote, près de Tarnos, pour arriver devant le monuments aux morts (en face de la barrière de la cale). Après la manifestation, fort longue sous le soleil, je rentrais à la maison avec un début d’insolation. Une de nos voisines passa sur mon front un petit flacon d’eau et de vinaigre, qui faisait des petites bulles au contact de mon front brûlant… » (dans « Boucau sur Bayonne », Erès, 1995). 

L’Armée Secrète de Clément de Jauréguiberry

Précédant la commémoration du 60e anniversaire de la Libération, l’écrivain Jean-Louis Davant avait écrit pour le village de Chéraute sa pastorale « Xiberoko Makia » jouée en 2001, notant cette « page difficile et finalement glorieuse de son histoire, la Soule se libérait elle-même. Evidemment, elle ne l'aurait pas pu sans l'avance des Alliés en Pologne, en Normandie, en Provence, en Italie... Mais le fait est là : notre petit Pays de Soule a contribué, suivant ses moyens, à hâter la fin de la deuxième guerre mondiale… » 

L’un des artisans principaux de ce haut fait d’arme fut sans conteste le capitaine de réserve Clément de Jauréguiberry. Originaire de Sibas (près de Tardets), déjà blessé gravement lors de la guerre de 14 et mobilisé à nouveau en 39-40, « sachant ce qu’est la guerre dans toute son horreur, il fera tout pour en épargner la population (...) Tissant méthodiquement la toile d’araignée de l’Armée Secrète dans la vallée du Saison, entre Navarrenx, Salies et la frontière espagnole, il quittera son poste à l’usine Regum de Mauléon pour rejoindre le maquis »

Il y a une vingtaine d'années, nous avions retrouvé en Ardèche où il passait ses vacances son fils Jean : « J’avais 17 ans à l’époque et mon père m’avait pris comme agent de liaison, notamment pour faire passer des messages vers Ahaxe où séjournait (dans sa famille) le chanoine Ithurbide, supérieur du collège de Mauléon ». Il se souvient parfaitement de la reddition des Allemands à Tardets (23 août) qui avait précédé la libération de Mauléon, en particulier « la rencontre du commandant de garnison allemand et de mon père, à 9 h, au tournant de Trois-Villes : j’étais dans la voiture qui accompagnait mon père. Je garde encore l’image de la voiture qui amena l’officier allemand jusqu’au barrage : avec mon père, ils se saluèrent. Après un court moment de palabre, ils se donnèrent rendez-vous au presbytère de Tardets, chez le chanoine Arricart. Les négociations durèrent plusieurs heures. On attendait au barrage. Au loin on voyait les lumières d’un bombardement sur Bayonne. Deux coups de fusil résonnèrent dans le voisinage, ajoutant à notre angoisse concernant le sort de mon père »

Finalement, la reddition des allemands fut signée et les prisonniers furent évacués au camp de Gurs en passant par Oloron pour éviter des actes de vengeance. 
« Le commandant allemand Beker avait laissé à mon père le drapeau de la garnison de Tardets ainsi que sa dague son revolver personnels, que j’ai gardés jusqu’à présent (sauf le revolver) », se rappelait encore Jean de Jauréguiberry. Et l’armement pris servit à maintenir l’ordre en Soule jusqu’au retour des autorités légales afin d’empêcher toute exaction ou justice expéditive comme ce fut trop souvent le cas par ailleurs. Toutes les cloches de Mauléon et de la Soule pouvaient sonner la liberté retrouvée. 
Sur demande du commandant Boudoube et de Jauréguiberry, la croix de guerre 39-45 est attribuée le 11 novembre 1948 à la ville de Mauléon, la seule du département à bénéficier de cet honneur, citant « l'intelligence et l'esprit d'initiative des chefs locaux…de la petite ville basque qui a bien mérité de la patrie... ». Disparu en 1965, le capitaine Clément de Jauréguiberry avait lui-même bénéficié d’une citation à l’ordre du corps d’armée pour « avoir conçu et dirigé avec une rare maîtrise les opérations qui, du 19 au 24 août, ont abouti à la reddition des troupes ennemies encerclées, faisant 165 prisonniers et récupérant un matériel particulièrement abondant… calme et courageux, a donné le plus bel exemple de décision et de sang-froid »

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